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«Les représentants des partis bourgeois défendent les positions de l’industrie du tabac dans les médias.»

Édition n° 114
Sep.. 2016
Parcours de vie

La prévention du tabagisme dans les médias. Mario Schranz et Daniel Vogler, du Département de recherche Opinion publique et Société de l’Université de Zurich, ont étudié les communiqués de prévention du tabagisme dans les principaux de médias suisses entre 2008 et 2015. Comment leur analyse peut-elle être utilisée pour optimiser la communication?

spectra: Monsieur Schranz, Monsieur Vogler, votre analyse de la communication sur le thème de la prévention du tabagisme vous a-t-elle réservé des surprises?

Ce qui nous a quelque peu surpris, c’est la place qu’occupe ce thème dans les médias depuis des années. Un article sur cinq publiés dans le domaine de la santé est consacré à des thèmes de prévention. Il existe pourtant d’autres thèmes d’une actualité également brûlante, comme les primes d’assurance-maladie et les prix des médicaments. Les sujets de prévention abordés portent principalement sur le tabagisme et les problèmes liés à l’alcool. Ceux du sur-poids ou des maladies sexuellement transmissibles, par exemple, sont beaucoup moins présents. La prévention du tabagisme est donc un thème qui bénéficie d’une très large attention médiatique et qui fait partie de l’agenda des médias.

L’écho médiatique est-il positif, ou critique?

La question reste ouverte. Nous n’avons pas pu dégager de tendance nette, dans un sens ou dans l’autre. L’évaluation dépend avant tout de la priorité thématique dans les articles. La résonnance rencontrée par des mesures de contrôle de la consommation du tabac (prévention comportementale) sera plus positive que celle suscitée par des mesures de réglementation de l’économie (prévention structurelle). Nous avons également constaté des différences importantes selon le type de média. Dans la presse quotidienne nationale et régionale, les articles sont plutôt mesurés. En revanche, les médias dominicaux et la presse de boulevard jettent une lumière plutôt plus négative sur la prévention. Ces deux types de médias misent davantage sur le sensationnel et sur la négativité comme valeur d’information.

Avec quelles conséquences pour les acteurs de la prévention du tabagisme?

Pour les acteurs de la prévention, l’attention médiatique est à la fois une bénédiction et une malédiction. D’un côté, ils peuvent profiter des médias pour faire passer des messages au public. De l’autre, ils courent le risque d’être critiqués, voire de faire l’objet d’un scandale. L’Office fédéral de la santé publique est souvent sous le feu des projecteurs médiatiques et est la cible de critiques exprimées via les médias. D’autres acteurs, plus petits, plus régionaux, peuvent tirer profit de cette situation et travailler en échappant aux radars de la publicité médiatique. 

Qui domine l’information et quels sont les partis politiques leaders d’opinion sur ce thème?

L’écho des partisans et des opposants aux mesures de prévention est équilibré dans l’ensemble. Au premier regard, les acteurs de la prévention dominent le discours. Avec 47%, ils représentent presque la moitié dans notre enquête. Mais si l’on regarde les choses de plus près, on peut dire qu’aucun acteur n’est vraiment leader d’opinion. Cela vaut aussi pour les partis politiques. La présence des quatre grands partis, PS, UDC, PLR et PDC est assez symétrique dans notre analyse. À noter que les représentants des partis bourgeois et les associations économiques s’engagent pour les groupes de produits du tabac, qui restent eux plutôt discrets. Ils représentent les positions de l’industrie dans les médias.  

Quels sont les sujets délicats et quels sont ceux qui font consensus?

La protection de la jeunesse fait consensus. Aucun acteur ne s’exprime contre elle. Même l’industrie du tabac cautionne publiquement des mesures de protection des jeunes. La protection de la jeunesse est, si l’on veut, la «zone de confort» pour les acteurs de la prévention. L’interdiction de fumer dans les restaurants est également désormais acceptée et peu contestée. Mais les choses sont différentes lorsqu’il s’agit de réglementer l’économie. Ce domaine, toujours plus important, est beaucoup plus contesté. Les directives sur les emballages trouvent peu de crédit auprès du public. Les restrictions de publicité se heurtent à un fort scepticisme. Les représentants des partis bourgeois et des associations économiques que nous avons déjà mentionnés sont ici des protagonistes de poids. Ils influencent fortement le cadre médiatique mais aussi l’agenda politique, ainsi que la toute dernière décision sur la loi sur le tabac l’a montré.  

Que recommanderiez-vous aux acteurs de la prévention du tabagisme aux différents niveaux, Confédération, cantons, ONG? Quels devraient être les messages?

Il est important de pouvoir quantifier les résultats des objectifs. Par exemple, la baisse du nombre de fumeurs. Une communication transparente et active en la matière permet d’asseoir l’acceptation et la légitimité de ses propres positions dans l’opinion publique. Il serait toutefois complètement erroné d’axer la stratégie de communication sur une perception aussi positive que possible dans les médias. À long terme, une orientation sur ses propres valeurs et modèles, ce que l’on appelle une action conforme au profil, se révèle bien plus positive sur la manière dont est perçue une organisation.  

Contact

Tina Hofmann, Section drogues, tina.hofmann@bag.admin.ch

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